Édouard Saxberger a publié dans sa jeunesse un recueil de poèmes intitulé Promenades. Il l’a presque oublié. C’est désormais un monsieur âgé qui mène à Vienne une vie de fonctionnaire calme et sans aspérité. Jusqu’au jour où un jeune homme se présente chez lui pour lui témoigner sa grande admiration et celle de ses camarades. De cette visite très inattendue s’ensuit un grand changement. Édouard Saxberger délaisse son café habituel pour rejoindre chaque soir ou presque dans un autre café ces poètes en herbe bien décidés à se faire un nom dans la littérature et à défendre l’idée d’un art authentique. Ils se sont constitués en un cercle qu’ils ont baptisé “Exaltation” et ont bientôt l’idée, pour attirer à eux l’attention des médias et du public, d’organiser une soirée littéraire constituée de lectures de leur écrits. Ils demandent pour l’occasion au vieux poète d’écrire un texte inédit.
La fréquentation de ces jeunes gens passionnés ravive chez Édouard Saxberger des espoirs de gloire autant quelle lui apporte la troublante illusion d’une seconde jeunesse. Le respect idolâtre dont le groupe l’entoure éveille en lui le désir que tout ne soit pas encore joué. Mais lorsque le poète cherche sur les rives du Danube l’inspiration qu’il y trouvait autrefois, ne lui viennent alors que des mots décousus, à l’image des paysages qui se sont urbanisés et des bruits de la vie moderne. Pris au piège de sa vanité il participera tout de même à la soirée littéraire organisée par ses amis, acmé tragique du récit où le vieux poète entendra au milieu des applaudissements faisant suite à la lecture d’un de ses poèmes, ces mots le désignant sans que le doute soit permis : “Pauvre diable”. C’est la chute, le réveil amer. Ces deux mots seuls effacent tous les applaudissements. Dès le lendemain les journaux, indifférents ou moqueurs, achèveront de tirer définitivement Édouard Saxberger de son rêve de gloire. La lecture de la presse résonne aussi comme un cuisant échec chez les jeunes littérateurs. Le groupe n’y résistera pas, les masques tomberont un à un révélant ironiquement au vieil homme le vrai visage de chacun et le jeu de dupes dont il aura été l’objet.
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Arthur Schnitzler
Gloire tardive
Éditions Albin Michel
2016
158 pages
Paul-Jean dit
Votre récit très bien écrit est d’une telle tristesse que je me demande si je vais acheter l’ouvrage. Et pourtant je suis tenté. Quel dilemme !!!
Philippe Joubert Lussac dit
La toute fin n’est pas triste, il ne faut pas hésiter !
Gautier Le Notre Martine dit
bonsoir
Allez vous refaire le cabas “tulle” pour adulte ?
pour Noël ? Quel sera le prix ?
bonne soirée, plus de tempête en Bretagne
Philippe Joubert Lussac dit
Martine, je vais en refaire sans aucun doute, mais je n’aurai pas le temps pour Noël malheureusement…
Laure dit
C’est émouvant et tragique. Sûrement nostalgique pour ce vieux monsieur qui croit retrouver, un temps, la flamme de sa jeunesse. Votre résumé m’a fait assez envie.
J’ai pensé aussitôt à un Stefan Zweig, “Le voyage dans le passé”, lu l’année dernière. Un couple fini se retrouve des années plus tard, ils en ont rêvé longtemps, mais bien entendu la flamme est éteinte définitivement. Et c’est triste. Encore un écrivain autrichien. On ne rigolait pas beaucoup à Vienne, en ces temps-là, chez les écrivains…
Philippe Joubert Lussac dit
C’est vrai, on se tapait assez peu la cuisse en riant grassement ! ;-)
Chris dit
Il est cruel, ce résumé. S’il n’est pas tempéré par un style dont la qualité et la beauté font oublier cette cruauté, je ne pourrai pas le lire. Mais c’est une belle histoire.
Belle semaine à vous !
Philippe Joubert Lussac dit
Mon résumé est sans doute un peu abrupte, et l’histoire ne se finit pas mal : à la toute fin, Édouard Saxberger est apaisé de retourner à sa vie tranquille.
Joubert Michel dit
C’est sombre et plein d’espoir, comme quoi on est parfois apprécié tardivement et l’éloge va droit au cœur de celui qui est enfin reconnu.
Philippe Joubert Lussac dit
Oui mais il faut se méfier de sa vanité…
Polly Peachum dit
C’est sombre… et plein de DESespoir !!
C’est même carrément tragique et, comme Chris, j’espère que le style permet d’oublier la cruauté…
Ca me fait irrésistiblement penser à une chanson interprétée par Jean Guidoni (et écrite par Pierre Philippe) qui raconte quasiment la même histoire : Smoking blanc (http://www.dailymotion.com/video/xs3gj_guidoni-smoking-blanc_music).
Cela dit, pourquoi la vieillesse des artistes, des créateurs, serait-elle moins un naufrage que celle du commun des mortels ?
Il y a même fort à parier qu’elle doit être pire…
Ne plus pouvoir lacer ses chaussures, c’est déjà difficile à accepter mais sentir se carapater les mots, les phrases qui coulaient auparavant en poésie… quelle défaite mon Dieu, quelle défaite !
Philippe Joubert Lussac dit
Polly, chercher ses mots en laçant sa chaussure gauche à son pied droit n’est pas une défaite !! Ou alors j’échoue souvent ! ;-)
Polly Peachum dit
Ah oui… mais quand c’est congénital, on a eu le temps de s’habituer, c’est pas la même chose !!! :-)))))))))))))
(aieeeeeeuuuuuuu pataper !! ;-)
Folfaerie dit
Une terrible lucidité se cache derrière cette apparente cruauté… il ne fait pas bon lire Schnitzler quand on se sent tristounet ! Ma dernière lecture remonte à Mademoiselle Else, une histoire différente mais dans le même ton. Je ne tenterai pas ce titre là, je l’avoue. Mais une tasse de roiboos parfumé aux agrumes accompagné d’une part de gâteau au chocolat (bio), je ne refuserai pas :-))
Philippe Joubert Lussac dit
Le livre n’est pas triste en réalité, à l’extrême fin le personnage principal retourne avec une forme de soulagement à sa vie d’avant.
Sara dit
Intéressant…