À l’aube du XXe siècle et quelques années avant la naissance d’Arsène Lupin, Maurice Leblanc publia un court roman à la sportive gloire de la bicyclette et de l’amour.
Deux couples, Pascale et Régine Fauvières, Guillaume et Madeleine d’Arjols, décident de se lancer dans un périple à vélo à la conquête de la Normandie. Passées les premières déconvenues dues à la chaleur et à l’effort, les couples trouvent l’aventure grisante, portés qu’ils sont autant par les ailes de la bicyclette que par celles, plus légères encore, de l’amour naissant. Le voyage voit en effet les affinités de départ se modifier. Les couples, assez rapidement, changent de partenaire et tombent amoureux. Éloignés de leur vie ordinaire, enivrés par la vitesse, la chaleur et la nature, les quatre héros se détournent progressivement des conventions habituelles de leur milieu pour goûter d’audacieuses libertés, en donnant libre cours à un sentiment de renaissance.
Le livre est ainsi un hymne à l’errance, à la nature, au “changement de décor”, qui s’exprime tout au long du récit dans la voix de Pascal, le plus transfiguré par l’aventure : “Il me semble, dit-il, que j’étais jusqu’ici emprisonné dans une enveloppe de verre, et que c’était au travers de cette enveloppe que me venaient les spectacles du dehors, les bruits, les parfums, tous affaiblis, refroidis pour ainsi dire ; et on dirait maintenant que ce verre se casse, morceau par morceau, et que les sensations m’arrivent directes, chaudes, douloureuses presque.” Et de s’exclamer vers la fin : “Comme je comprends le bienfait de cette vie, et le progrès de son action sur nous ! Elle a d’abord brisé une à une toutes les chaînes qui nous embarrassaient, puis réduit en poussière les mensonges de notre passé. À chaque tournant de route nous laissions un peu de nous.”
Le récit chante aussi très largement les louanges du vélo, qui affranchit l’homme de sa lenteur, ne fait avec lui qu’un seul être, “un homme plus vite”. Il est vrai qu’à la fin du XIXe siècle, tout le monde ne s’adonnait pas encore à cette intrépide activité !
Tout cela est somme toute fort sympathique. Le livre méritait-il pour autant une réédition ? Il est si désuet, si exagérément lyrique, que son plus grand mérite est d’être court. Certes, le tout est bien enveloppé : un résumé alléchant, une intelligente préface d’Antoine de Caunes et une ravissante couverture en font un objet séduisant de prime abord (je m’y suis laissé prendre, c’est dire). Mais le marketing n’est pas tout, et, à moins d’être incurablement fleur bleue, on pourra passer son chemin (de campagne normande en l’occurrence) sans grand regret.
__________
Voici des ailes
Maurice Leblanc
Editions Libretto
2016
124 pages
Jean-Louis dit
Merci, Philippe, pour vos conseils littéraires.
Laure dit
Bonjour,
Je l’ai aussi et il est délicieusement désuet. Et lassant… Je n’ai pas eu ton courage : je ne suis pas allée jusqu’au bout. Nous sommes loin de l’intrépide Arsène Lupin dont dont les péripéties ont enthousiasmé mon adolescence.
Quand je pense à tous les livres fabuleux qui ne sont plus réédités !
A bientôt de lire un commentaire de toi sur mon blog ?
GAYOT dit
Désuet, mais l’amour interdit, l’échangisme en somme et en plus à vélo… Quelle merveille ! Enfin, pour ceux qui aiment et pour l’exacerbation des sentiments et des caresses…
Vinciane dit
Pour un changement de décor, c’est un changement ! Je ne connaissais pas. Le résumé me donne l’envie de le lire….
Merci Philippe
Veronique dit
Délicieux et désuet récit..
Il me fait penser au cheminement sur le Chemin de St Jacques sur lequel je suis allée par 2 fois.
Sortir de son confort habituel et des sentiers battus.., Se remettre en question chaque jour au gré des rencontres.. Se dessiner er de nouveaux repères dans chacun des lieux de villégiature… Faire confiance aux personnes rencontrées, Faire confiance à la Vie… Quoi de mieux pour se ressourcer et reprendre des forces..
Une belle ode à l’aventure.. Dans ces efforts quotidiennement renouvelés, aller à la rencontre de soi même est déjà une belle aventure…
Florence dit
decevant donc … comme la visite de la maison de Leblanc à Etretat…. ne vaut pas le deplacement !
BY dit
Merci pour ce résumé qui jusqu’à la fin donne envie , mais je vais suivre tes conseils .
Sara dit
J’aime les romans dont le thème psychologique c’est important, les relations personnelles, le dessin de personnages… Je comprends bien que celui-ci t’attire…
Triskell dit
Je crois que je me serais aussi faite avoir par la couverture…Faible que je suis.