Cela faisait longtemps que je désirais visiter le Musée de la toile de Jouy installé au château de l’Églantine, mais me rendre à Jouy-en-Josas me paraissait toute une aventure. J’ai finalement attendu l’ouverture des nouveaux espaces d’évocation historique en septembre. J’ai passé dans le musée deux heures hors du temps, profitant d’être l’unique visiteur pour me transformer en éponge et m’imprégner de tout. Le Musée présente de nombreux fragments de tissus des XVIIIe et XIXe siècles, quelques tenues vestimentaires, planches, rouleaux ou plaques de cuivre gravées avec une finesse à peine humaine. Le parcours se fait au travers de petites salles agrémentées de graphismes charmants qui rendent le parcours très plaisant. Oberkampf, entrepreneur d’origine germanique, a créé l’une des plus grandes entreprises de son temps, surmontant d’incroyables défis techniques et artistiques, jusqu’à faire de ses tissus imprimés, inspirés de l’Orient, un symbole éminent des arts décoratifs français.
Le bureau de Christophe-Philippe Oberkampf :
La chambre de madame Oberkampf (Anne-Elisabeth Massieu) :
À gauche, portrait d’Anne-Elisabeth Massieu :
Caraco, toile imprimée à la planche de bois et pinceautée (fin XVIIIè) :
À droite, veste de chambre, toile de coton imprimée à la planche de bois vers 1770 (semis de fleurs et de fruits) :
À gauche, portrait de Christophe-Philippe Oberkampf par Louis-Léopold Boilly :
À gauche, détail d’une grande plaque de cuivre gravée :
Robe Chloé, collection prêt-à-porter automne-hiver 2019, mousseline de soie rouge et blanche :
Le musée accueille jusqu’au 15 janvier 2023 une exposition consacrée au pendant portugais des toiles de Jouy : les chitas d’Alcobaça. Les manufactures d’Alcobaça fabriquent entre les XVIIIe et XXe siècle des tissus qui bénéficient également de la circulation des techniques et des idées issues des voyages et découvertes. Les chitas sont utilisées aussi bien pour des vêtements (jupes, jupons, foulards…) que pour des couvre-lits. Leurs motifs sont peuplés principalement d’oiseaux, de papillons et de chiens, de fleurs comme la pivoine, la rose, le lotus ou le chrysanthème.
Le musée de la Toile de Jouy organise un concours de motifs sur le thème de ces chitas dans deux catégories : “étudiants” et “jeunes créateurs professionnels”. J’aurais aimé concourir en tant que professionnel mais le règlement du concours m’a enseigné que j’étais trop vieux. Je m’étonne toujours de ces discriminations sur l’âge qui fleurissent d’une manière si décomplexée. Il ne serait vraisemblablement pas venu à l’idée des rédacteurs du concours d’interdire son accès (et heureusement) aux noirs, aux invalides ou aux femmes enceintes, mais aux plus de 35 ans si ! S’il s’agit d’aider des créateurs installés depuis peu, pourquoi dans ce cas ne pas le réserver à ceux d’entre eux installés depuis moins de 5 ans par exemple, sans discrimination d’âge ? Cela je pourrais le comprendre. Les temps changent, beaucoup de gens modifient aujourd’hui leur trajectoire professionnelle au cours de leur vie. Pas plus tard qu’il y a deux semaines je discutais encore avec un avocat international devenu professeur de piano. Je suis moi-même passé par là, comme tant d’autres par choix ou par contrainte. On peut tout à fait être jeune professionnel dans son nouveau métier indépendamment de son âge.
Il ne fait pas bon vieillir dans cette société qui assigne à tout propos des dates de péremption aux individus, et des frontières entre eux. Les discriminateurs se tirent d’ailleurs une balle dans le pied. Gageons qu’ils se prendront à leur tour dans la figure les portes qu’ils auront fermées dans celle des autres. Mais c’est maintenant qu’on aimerait les voir réfléchir à leurs pratiques.
Bertille dit
Que de bons souvenirs ! J’avais adoré l’histoire de Mr Oberkampf. Ces motifs sont d’une telle richesse et si délicats. Merci pour tes photos magnifiques qui font rêver. Je vais essayer d’aller voir les chitas. Janvier arrivera vite… Bises.
Bertille
Jean-Paul dit
Vraiment très joli, un souffle d’air frais en cette période d’oppression de toutes sortes. Merci.
Vinciane dit
Ces motifs, ces robes, cette époque, quel beau billet, je me suis régalée Philippe, merci.
Je me réjouis d’être pensionnée pour enfin commencer ma nouvelle vie !
Malheureusement, la discrimination sera de plus en plus présente, j’ai l’impression.
Je suis tout à fait d’accord avec tes propos.
Je te souhaite une belle journée.
Vinciane
CHARALAMBOUS dit
Un grand merci pour cette visite passionnante et belle découverte ! Trés bonne journée 😘
sophie dit
Je me souviens de notre visite avec daniele que tu connais. Nous étions parties à l’aventure toute les deux et notre journée fut délicieuse avec pour la clore un thé dans le jardin du château qui faisait office de salon de thé !
De nos jours nous sommes souvent arrêtés dans nos élans, nos bonnes intentions ou notre travail par des contraintes souvent stupides qui gâchent tout et même parfois stoppent net ce qui pourrait être notre avenir.
Je t’embrasse
Sophie
Sissi94 dit
Merci pour cette belle visite de mon fauteuil.
Sylvie
Véronique dit
Merci Philippe pour cette belle visite hors du temps.
Je partage ton ressentiment.
Je suis certaine que tes dessins avec ton âme romanesque seront inspirés par ces motifs. Tous les jours je regarde tes tableaux aux murs du séjour et je me félicite de les avoir choisi.
Toute notre amitié
Vèro et Christophe
marie christine dit
Bonjour Philippe,
Merci pour ce joli reportage. Que j’aime ces tissus, souvenir de ma grand mère qui en avait beaucoup dans sa jolie maison familiale. Pour moi synonyme du beau sans ostentation, du romantisme et du bon goût de ces demeures qui avaient une âme où le temps semblait s’être arrêté, où la vie nous semblait si douce.
Je me suis offert un très joli livre sur la toile de Jouy et j’aime m’y replonger souvent.
Je suis bien d’accord avec vous, aujourd’hui beaucoup de personnes en reconversion peuvent être de jeunes professionnelles. C’est complètement aberrant, de nos jours, d’entendre de tels propos. J’en ai fait les frais moi aussi l’année dernière.
Cette discrimination dû à l’âge n’est pas assez reconnue, il paraît qu’il y a d’autres priorités ;).
Eh oui! trop vieux (mais paradoxalement trop jeune aussi dans certains cas), trop femme, etc…nous entendons encore cela en 2022.
Je pense sincèrement que vous aviez votre place dans ce concours.
Merci encore pour ce joli partage.
Je vous envoie plein de douceur Océane de cette belle Charente Maritime qui bénéficie encore d’un soleil et de températures estivales.
Très belle journée.
Amitié
Triskell dit
Tout simplement magnifique, et tu as l’art d’associer entre elles des photos qui se répondent et s’accordent merveilleusement. La mise en page est parfois aussi importante que la qualité des clichés et tu maîtrises parfaitement les deux. J’ai visité ce musée il y a déjà un fort longtemps et ton billet m’en redonne le goût.
On fustige, à raison, le racisme, l’antisémitisme, le sexisme, l’homophobie, la grossophobie, mais la discrimination par l’âge reste encore un bastion à combattre ! As-tu remarqué qu’on te demandait à tout moment, pour un oui, pour un non ta date de naissance ? Sur un formulaire, une inscription, pour un concours, car c’est très important n’est-ce pas de savoir dans quelle case te ranger selon ton millésime…. Le paradoxe est que la société d’aujourd’hui semble nous offrir des secondes, voire des troisièmes chances, et qu’elle nous claque le guichet au nez sous prétexte de dépassement de date limite de conservation, un peu comme les yaourts…
marie agapanthe dit
J’ai vraiment apprécié la lecture de ce beau billet où texte et photos se complètent avec justesse et élégance. J’avoue avoir un faible pour la toute première robe ainsi que pour le petit caraco qui la suit et je me verrais parfaitement porter l’un comme l’autre, peut-être pas pour aller au travail où l’on me regarderait assez bizarrement mais juste pour le plaisir ! En ce qui concerne ta réflexion sur les discriminations liées à l’âge , je te comprends et te rejoins complètement. Il me semble qu’une forme de défiance s’installe dès lors que l’on a passé certaines dizaines et l’on est vite prompt à nous mettre hors jeu. Très récemment, j’ai du remplir un formulaire d’inscription pour un banal cours de Pilates. Il fallait indiquer âge et date de naissance et je me suis demandé en quoi cela était important de savoir l’âge que j’avais pour faire des étirements, des assouplissements et du gainage abdominal ! J’ai hésité à mettre un âge fantaisiste me disant que j’avais peut-être dépassé une date de péremption et que l’accès au cours me serait refusé ( comme quoi on peut devenir vite parano ) ou à ne rien mettre du tout.
Je suis donc désolée qu’à cause de ce règlement inique tu n’aies pas pu concourir , j’aurais vraiment aimé découvrir ta création. Cela ne t’empêche d’ailleurs nullement d’en faire une pour ton plaisir, et le notre …..
Amitié Marie *
Monique G. dit
Merci beaucoup pour cette magnifique visite
Bel après-midi
Monique
Fiorenza dit
Que j’aime cette promenade dans les allées du passé…
et du présent : entre fauteuils, nappes et rideaux,
je vis dans cette ambiance depuis toujours !
Ma dernière toile de Jouy, c’est un sac de créatrice
qui, à ma main, m’amuse et me rassure !
Jouy-en-Josas a échappé à mes visites muséales
et maintenant, j’ai la paresse de m’y rendre…
Merci pour ce défilé de tissus précieux :
ils nous enveloppent de beauté,
la période est tellement grisouille !
Anne Marie C dit
Merci Philippe pour cette belle visite, hors de portée pour nous qui vivons en région, en votre compagnie.
Je partage votre analyse sur la limite d’âge des “jeunes professionnels”… Avoir des projets c’est rester jeune.
A-t-on dit une seule fois, par exemple, à Monsieur Pierre Soulages -né en 1919- qu’il était trop vieux en 1984 lorsque commande lui a été passée de réaliser les vitraux de l ‘abbatiale Sainte-Foy de Conques ? Et pourtant ce projet était de longue haleine. Sans parler des musiciens et chefs d’orchestre dont les agendas sont bloqués sur plus de cinq ans alors qu’ils ont atteint plus de quatre-vingts ans et plus.
Bonne semaine.
Evelyne dit
Bonjour,
magnifiques photos, comme d’habitude.
Pour la discrimination sur l’âge c’est un problème très français. On est toujours trop ou pas assez. Trop jeune, trop vieux, trop grand, trop petit, trop maigre etc..
Pas assez expérimenté, trop sûr de soi, que sais-je…Il faut à la fois rentrer dans le moule et en sortir.
Difficile parfois de relever la tête et de continuer.
Laissons passer ce détestable mois de novembre.
Bonne journée,
Evelyne
defilenpinceau dit
Merci pour ce partage, j’ai toujours aimé la toile de Jouy aux imprimés si délicats.
Quant à votre paragraphe sur l’âge, je suis bien d’accord avec vous, il faut travailler plus longtemps parce que l’on vit plus longtemps mais on est vite trop vieux pour plein de choses…..
Belle journée à vous
Michèle
Do dit
Bonjour Philippe
J’ai mis en lien ton bel article sur le blog collectif des Amoureux de la Toile de Jouy http://toile2jouy.canalblog.com/archives/2023/02/12/39810973.html. Quelle jolie visite et et quelles jolies photos. J’y suis allée il y a bien longtemps avant la rénovation. C’est bien plus beau désormais. Très bon dimanche à toi.