Avec les stylos-plume j’aurais volontiers le potentiel névrotique du collectionneur. Je pourrais en accumuler sans que jamais la satiété soit vraiment atteinte. Mais a-t-on besoin d’accumuler ? La planète, si elle pouvait parler, répondrait vraisemblablement que non. Ceci dit la planète me lancerait aussi un regard culpabilisant et elle aurait raison : les stylos-plume que je montre ici viennent de Chine et des États-Unis.
Tout a commencé avec le Noodler’s Ahab flex (à droite ci-dessous) que j’ai trouvé chez Sennelier. Il s’agit d’un stylo-plume réputé chez les illustrateurs. Il ne m’a pas convaincu de prime abord : plume flexible manquant de souplesse, débit faible de l’encre, pas terrible pour le dessin. Pourtant c’est incontestablement mon favori. Sa tenue en main est pour moi parfaite et j’adore son odeur (résine végétale en théorie biodégradable), c’est en quelque sorte mon stylo-doudou. Récemment je lui ai mis une plume “ultra flex” de la marque Fountain Pen Révolution. J’obtiens la souplesse que je souhaitais, pouvant moduler l’épaisseur de mon trait avec facilité. Son débit restant faible j’amorce l’encrage en trempant rapidement le bout de la plume dans l’eau. C’est une petite contrainte dont je me passerais bien. Mais qui n’a pas de défaut ?
De gauche à droite ci-dessous :
- Stylo-plume Jinhao 100 : une plume très douce, un débit d’encre plutôt généreux mais inégal à l’usage. C’est un brave stylo qu’on peut abandonner pendant trois semaines et qui fonctionne de nouveau sans faire de caprice.
- Stylo-plume Noodler’s Ahab flex dont j’ai parlé.
- Stylo-plume Himalaya V2 de Fountain Pen Revolution. Joli, léger, agréable. C’est sa plume que j’ai installée sur le Noodler’s Ahab.
- Stylo-plume Jinhao 159 : très bon marché et de belle facture si l’on est pas trop exigeant, lourd, un peu gros à mon goût, mais sa plume glisse sur le papier avec une extrême douceur et un débit d’encre parfait. Je ne m’attendais pas à une telle qualité.
Ces stylos sont munis d’un convertisseur à piston qui évite d’utiliser des cartouches.
Pour transporter mes stylos j’ai cousu un étui en lin. Je l’ai doublé d’une épaisse ouatine pour qu’ils soient bien protégés et que mes mains aient du plaisir à le manier :
Pour fermer mon étui, rien de plus simple, je rabats les côtés vers l’intérieur et je le ferme avec un ruban :
Dans la vie heureusement il n’y a pas que les stylos-plume. Il y a aussi les porte-plume ! Ci-dessous, en haut, un porte-plume lambda comme on en trouve dans toutes les boutiques de beaux-arts. Celui qui se trouve en dessous je l’ai acheté à L’Écritoire. C’est un porte-plume des années 30 à capuchon (très pratique) que je trouve très agréable en main. C’est avec lui (et l’encre Rohrers ci-dessus) que j’ai dessiné le chat :
Barbouille rehaussée à la plume avec une encre Rohrers verte :
Pour dessiner rien ne vaudra jamais la qualité graphique procurée par une plume calligraphique. Les stylos-plume sont plus facile à utiliser tout en correspondant davantage à un plaisir qu’à une nécessité. Le clavier de l’ordinateur, en matière d’écriture du moins, les a dépouillés de leur utilité mais teintés de poésie. J’en ai tout de même l’usage. On ne réfléchit pas face à un clavier comme on le fait devant une feuille. Et pour quelqu’un comme moi, pour qui réfléchir est un défi, aucun chemin n’est à négliger !
Les vers sont tirés d’une épigramme de Clément Marot que voici au complet :
De soi-même
Plus ne suis ce que j’ai été,
Et ne le saurais jamais être :
Mon beau printemps et mon été
Ont fait le saut par la fenêtre.
Amour, tu as été mon maître,
Je t’ai servi sur tous les dieux.
Ah si je pouvais deux fois naître,
Comme je te servirais mieux !
Triskell dit
Avec ce billet, mon cher Philippe, nous sommes au comble du raffinement. La beauté sauvera-t-elle le monde ? Si c’est le cas, tu y auras largement contribué.
Un étui ouatiné en lin et toile de Jouy pour abriter tes trésors, mais où vas-tu chercher tout cela ?
Si l’on part du principe qu’une collection constitue une accumulation d’objets appartenant à la même famille mais sans réelle utilisation, la tienne n’en est pas vraiment une puisque tu te sers de toutes ces plumes, et avec quel talent ! Le petit chat confiant dans son sommeil me rappelle mon adoré Berlingot…
Citer et lire Clément Marot en 2023 à l’ère des balec et des askip, c’est très fort. Et très beau.
Photos sublimes, comme d’hab (oups, pardon…)
Fiorenza dit
Un billet enchanteur, cher Philippe !
Tout n’y est que charme : les mots qui visent le cœur,
les objets sortis d’un passé plus riant,
les dessins reconnaissables de « la maison Gris-bleu »
et cerises sur les papiers…un étui que j’aurais tant aimé arborer
durant mes études littéraires où le poème de Clément Marot
aurait trouvé sa place le plus naturellement du monde !
Avec tous mes compliments portés par les vents de Bretagne !
Véronique ARNAULD dit
Cela me fait penser que j’ai fait, il y a longtemps , collection de stylos plumes. Finalement je les ai offerts car je ne pouvais tous les utiliser, n’est-ce pas ? J’en ai gardé deux ou trois, banals, mais dont je me sers régulièrement. En effet, nous n’avons plus eu d’internet (merci sfr) pendant un bon mois, au moment de Noël et cela m’a permis de reprendre ma plume pour écrire, notamment, à ma soeur ; c’est un vrai bonheur ! et, depuis, nous nous écrivons une à deux fois par semaine.
J’ai aussi quelques porte-plume, plutôt par nostalgie…
A bientôt,
Sissi94 dit
Voilà comment faire débuter une collection.
J’ai retrouvé récemment dans mes trésors des plumes de mes années d’apprentissage à l’écriture.
J’ai encore en tête celles fournies par l’école “Sergent Major” difficiles à amadouer et celles que Maman m’offrait “Gloire de Boulogne”. Le luxe.
Plus de porte-plumes ni d’encre mais des souvenirs.
Merci pour ce beau billet.
Sylvie
namaste dit
Joli billet tout simplement merci.
VInciane dit
La délicatesse, la nostalgie de ce que nous avons connu. Merci pour ce billet empreint du passé. Tu me donnes l’idée de confectionner un étui pour mes petits couteaux à beurre dont le manche est en verre soufflé à la bouche, ils sont réalisés par un grand maître verrier de Pézenas, clin d’œil à Antonio Zito. Cet épigramme est magnifique. Belle soirée Philippe.
étoile filante dit
Quel plaisir de retrouver quelques articles – de plus en plus rares hélas – sur ce magnifique site. J’adore votre univers, votre poésie, vos dessins délicats, vos photos sublimes, et votre humour infaillible !
sophie dit
J’ai reçu un très beau stylo plume pour mes 18 ans , et depuis à chaque dizaine de mes anniversaires. Je ne peux pas m’empêcher d’acheter des stylos plume je les collectionne depuis bien longtemps avec une préférence pour les laques noires ! J’aime beaucoup scheaffer et j’écris en Poussière de Lune une belle encre Herbin que j’achète passage choiseul.
J’écris encore de longues lettres à une amie .
Je ne dessine pas mais j’aime écrire avec ces stylos .
Je t’embrasse
Sophie
Jean-Paul dit
Absolument séduisant, mais personnellement j’aurais beaucoup de mal à me séparer de mon Macintosh HD, dans lequel je conserve absolument tout (journal, correspondance, poèmes, photos, album photos, musique…) avec son prolongement : l’imprimante. Si j’avais eu le don du dessin et de la peinture, j’aurais scanné mes œuvres pour les intégrer à mes compositions. Je me contente d’intégrer des photos… Mes stylos sont en évidence sur mon bureau. Je les regarde avec nostalgie comme des reliques du passé…
Barby dit
Quel billet à lire et relire tellement il est imprégné d’amour pour ces objets . Beaucoup d’utilisations pour savoir quelle encre , quelle plume est mieux que l’autre pour te ou tel écrit : j’admire ; j’aime écriere , dessiner sans le ton talent mais qu’importe . activités que m’apaisent .
J’aime aussi les collections mais pas les collec tionsà chiffres qui font tourner la tête . Des minis collections que mon regard peut croiser très souvent , pas enfermées , plutôt éparpillées dans la grande maison .
Merci pour tes billets que j’attends toujours avec impatience.
Bertille dit
Qu’en mots élégants ces choses là sont dites ! Une belle plume pour écrire de jolis mots… Tout cela me parle cher Philippe. Je suis une adepte du stylo plume depuis ma communion solennelle où je reçus le premier.
Celui qui aujourd’hui reste dans mon sac à mains ne me sert plus beaucoup. En effet, d’une grande marque bien connue (comme les petites crèmes de mon enfance) je ne peux plus m’en servir car son encre s’évapore littéralement…. Pas de tache dans l’étui, non plus dans le sac. Tout le contenu disparait !
Et chaque fois que je veux écrire, je constate que la cartouche est devenue transparente ! Je n’aurais eu le temps de coucher un seul mot sur le papier.
Au Bon Marché, où j’étais allée m’enquérir d’une explication, on a ri de moi. “Tout le monde sait que c’est normal ! Un stylo MB est fait pour servir encore et encore et encore…” Sauf que moi, une plume de ce prix là je ne la sors pas au bureau ! C’est mon petit trésor caché. J’écris des lettres privées ou bien des cartes postales de vacances (oui j’ai l’âge).
Bref de ce beau stylo, offert par mes fils et mon époux, je ne peux que dire qu’il est joli avec sa plume en or et son rubis scellé dans son agrafe…. C’est bien dommage.
Ton étui est d’un chic ! C’est tout toi… Merci pour ce doux moment de rêverie. Bon week-end.
Bertille
marie agapanthe dit
Ta très belle collection de stylos et porte plume est faite pour s’entendre à merveille avec ma grande collection de petits carnets, cahiers et papiers en tout genre. Ecrire à la plume est un plaisir dont l’expérience relève de la sensualité. Pour ma part, je regrette encore un certain stylo-plume qui m’a un jour été dérobé dans une salle des professeurs ( j’espère au moins qu’il a fait le bonheur de la personne qui s’en est ainsi emparé ). Je n’ai plus le souvenir de la marque mais il était parfait pour moi : doux et lisse au toucher, arrondi aux deux extrémités, la plume dorée qui glissait avec aisance sur le papier, l’apparence d’un marbre rosé, un petit bijou très féminin qui ne me quittait pas. Ton billet me l’a rappelé.
J’allais oublier : j’apprécie tout particulièrement tes barbouilles paysagesques !
Marie *
Chinou dit
Bonsoir blogueur créateur collectionneur dont cette publication m’évoque mon enfance, plumier, bureau scolaire avec encrier de porcelaine incorporé, encre violette, plume “sergent major”. M’évoque aussi le cristal de Bic, les premiers stylos bille quatre couleurs, diverses modes et plus particulièrement celle où qui n’avait son “Montblanc” n’était pas digne” d’intérêt. Bien qu’aimant la belle écriture, j’ai troqué la bille pour le petit gris, le poil de martre et suis stupéfaite de voir tous les dessins ci-dessus. Je viens de passer ici , un bien agréable moment.
Philippe Joubert Lussac dit
Si l’on utilise des encres indélébiles comme les Rohrers on peut à la fois jouer de la plume et du pinceau. En revanche les encres Rohrers ne sont pas utilisables dans des stylos-plume, pour ces derniers j’utilise de l’encre d’archive. Les encres pour stylos-plume ne sont généralement pas indélébiles, l’aquarelle par dessus fait baver les traits.