Le cimetière du Père Lachaise a retrouvé sa tranquillité. Dans la période où pour cause de Covid nous n’avions pas le droit de sortir à plus d’1 km de notre domicile, une foule inhabituelle se pressait partout me laissant craindre des habitudes qui ne se perdraient peut-être pas. Ce ne fut que provisoire finalement, beaucoup de vivants préférant tout de même le spectacle de la vie à celui de la mort, tandis qu’à leur contraire les morts me semblent à moi plus fréquentables que les vivants, même dans le spectacle de leur vanité posthume. Ce n’est sans doute pas un hasard si j’habite près du Père Lachaise où je me rends au moins deux fois par semaine, quand ce n’est pas trois ou quatre. J’y trouve le matin avant 10 h la jouissance d’un calme absolu, cette précieuse impression de solitude quand à quelques encablures le monde s’agite dans le stress et les pots d’échappements. Si je m’y rends en fin d’après-midi c’est pour profiter d’une lumière plus douce, des couchers de soleil hivernaux. Je sors juste avant la fermeture, quand les derniers tintements des cloches des gardiens retentissent.
Depuis que le cimetière bénéficie d’un entretien écologique, les “mauvaises herbes” s’y épanouissent, faisant tout plus joli. Par contraste, cela rend incongru que des vivants déposent encore sur la tombe de leur famille des plantes dans des pots en plastique, voire pire : des fleurs et plantes en plastique. Cela devrait être interdit autant pour des raisons esthétiques qu’écologiques. Mais peut-être que ce plastique a un rôle, livrant inconsciemment aux défunts ce message : “Vous ne valez pas que l’on vous serve autre chose.” Hypothèse crédible à défaut d’être vérifiable.
J’ai arpenté les lieux avec mon appareil photo deux matinées de suite. Cela s’est avéré frustrant, d’abord parce que je ne peux pas montrer la totalité de ce que je voudrais, ensuite parce que les photos sont peu capables de transcrire cette émotion que l’on ressent dans la perfection d’un moment, quand le soleil joue à cache-cache entre les feuilles et que vous vous sentez très bien. Tant pis pour la perfection, faisons quelques pas tout de même.
Je commence dans la partie du Père Lachaise que je préfère et qui est la moins fréquentée, le sud-est, vers les divisions 6, 15, 16, 17, 31, 32, 74, 75 (soyons précis !) :
En remontant un peu, on aperçoit le sommet du tombeau de la baronne de Strogonoff dominant le cimetière sans partage (il fait plus de 10 m de haut).
Un morceau du rond-point Casimir Perier où il fait bon lire (bancs testés et approuvés) :
Près du rond-point Casimir Perier se trouve la partie la plus escarpée du cimetière :
Séparant grosso-modo la partie sud, sinueuse et pentue, de la partie nord plus plate et rectiligne, l’unique voie non pavée donne au cimetière un air champêtre :
C’est ici qu’il faut s’installer (à gauche) avant la fermeture, l’hiver, au moment du couchant par beau temps. On y voit tout Paris à ses pieds :
Un peu plus haut encore je me dirige vers l’extrémité ouest, avec sa guérite de gardien à l’abandon et son entrée fermée (je ne l’ai jamais connue ouverte). Derrière cette porte se trouve le Square Samuel de Champlain où je vous conduirai dans mon prochain billet :
Qui connait et se souvient de la chanteuse Danielle Messia ? Je serais passé à côté si une amie n’avait pas eu la bonne idée de me la faire découvrir un jour. “Alchimie” me trottait dans la tête, passer sur sa tombe semblait de mise :
La tombe de Marcel Proust, l’une des plus exemplairement sobres du cimetière. Quand on fait un monument de son vivant, on n’en a pas besoin après. Qui peut le plus peut le moins :
La remarque vaut pour Pierre Bourdieu. Mais que laisseront les visiteurs pour témoigner de leur venue maintenant que la RATP abandonne les tickets pour les cartes à puces ?
Certaines tombes se distinguent résolument des autres parce qu’un beau jour, une graine opiniâtre a décidé que c’est là, et pas ailleurs, qu’elle germerait. Et puis c’est tout :
Il en faudrait plus pour émouvoir le sergent Ignace Hoff, sculpté par Bartholdi :
La tombe de Colette, sobre également, avec des crayons plantés…dans un pot en plastique, sapristi !
Terminons notre promenade par la tombe pittoresque du journaliste Victor Noir dont le gisant hyper réaliste fait l’objet de superstitions sexuelles. L’usure de la patine en témoigne à son entre-jambe, à sa bouche et à ses chaussures. Ces attouchements accordent-ils aux femmes la fécondité espérée ? J’en doute. Le Père Lachaise n’est pas moins qu’ailleurs le réceptacle des bizarreries humaines :
Dans mon prochain billet je vous proposerai de poursuivre la promenade autour du cimetière…
Triskell dit
Tu as réalisé ce que je me promettais de faire depuis bien longtemps : un billet “spécial cimetière” ! En résumé, Triskell en a rêvé, Gris-Bleu l’a fait… :-)
Et de très belle façon, car tu aurais pu (facilité) aligner les tombes ô combien célèbres qui se bousculent dans cet endroit mythique. Au lieu de cela, tu nous offres ta vision, ta perception, voire ton émotion, et c’est tellement plus enrichissant ! Parfaitement en accord avec toi sur ces verrues plastifiées dont sont affublées certains, qui auraient sans doute mérité mieux : une feuille morte coincée sous un petit galet rond, c’est joli et ça vaut tous les lys poussiéreux du monde !
Je connais très mal le Père Lachaise (la mère non plus d’ailleurs ah ah ;-) car je vis non loin du cimetière Montparnasse que je traverse régulièrement. Peut-être un jour un billet pour faire écho au tien…
La suite, vite !
Marta Maghiar dit
Merci Philippe pour cette présentation d’un des cimetières de Paris, je n’en avais jamais vu un…
josie b dit
Et bien ton billet que je lis aujourd’hui fait écho à mes doléances du jour…ayant porté une jolie plante à mon neveu décédé il y a juste un an…j’ai pu observer toutes ces tombes fleurit de ce plastique décoloré…le plus difficile est de voir que certaines sont abandonnées…pas entretenues par des familles au nom très connu..ici,.guides de montagne,alpinistes,skieurs grimpeurs attirent toujours autant les touristes…avides de faire la photo de leur tombe…même si ce n’est pas au Père Lachaise!bise josie
Sophie dit
J’aime aussi beaucoup les cimetières ! Pour leur Sérénité d’abord : c’est une parenthèse dans la vie ! A tous points de vue d’ailleurs ! J’aime leur tranquillité ! Et j’aime ces monuments d’un temps où on aimait les belles choses ! Je déteste tous ces granits modernes singulièrement dépourvu de charme !
J’ai toujours un pincement au cœur en voyant ces petits panneaux souvent rouge indiquant aux éventuels héritiers que la tombe non entretenue de leur ancêtre serait détruite !
J’ai toujours le cimetière Montparnasse il y a quelques années qui me plaît beaucoup ! Curieusement je n’ai jamais visité le Père Lachaise !
J’attends avec impatience la suite de la visite.
Bonne fin de journée à toi
Je t’embrasse
Sophie
Vinciane dit
On ne remarque que la douceur de cette lumière, ces dernières maisons d’êtres connus et méconnus, quelles magnifiques photos, elles sont sublimes. Je suis nostalgique en découvrant ton billet car je m’y suis promenée, au bras de ma maman, il y a 22 ans… Elle allait enfin découvrir Paris, et le Père Lachaise était une de ses priorités. On pourrait croire que la promenade sera morose et c’est tout le contraire. Merci Philippe, j’attends avec impatience ton prochain billet. Je sais déjà qu’il me touchera.
Amicalement.
Vinciane
Fiorenza dit
Le charme de certains cimetières est prégnant : Camus et les simples iris
à Lourmarin, Mauriac à Verdelet, Georges Sand sous le lierre de Nohant,
Braque face à la Manche à Varengeville…
Je ne connais pas celui du Père Lachaise, sa visite en deux phases m’intéresse
et les arbres omniprésents sont toujours si apaisants !
V. Artnauld dit
Magnifique début de reportage. Vivement la suite
Amicalement,
Véronique
i dit
Merci pour la promenade partagée…
by17 dit
Un magnifique billet comme tu sais les faire .
Les tombes entretenues avec goût ou sans c’est bien mais celles qui me sont difficiles à regarder sont celle abandonnées ce qui fait réfléchir à son propre “après”.
NancyRose dit
Quelle jolie visite ! Merci
J’ai eu le plaisir le plaisir de me promener Au Père Lachaise…. (et au Cimetière de Montmartre également….)
Une certaine poésie et quiétude en ressortent. Certaines sépultures sont superbes.
J’étais émue de voir “Molière”
Sissi94 dit
Très beau billet.
certains aspects me font penser aux cimetières de Montmartre et du Trocadéro.
Pour le Père Lachaise je me recueille tous les ans à la Toussaint sur le nom de mon grand oncle disparu en 1915 et combattant parisien. La ville de Paris a mis le temps pour les honnorer. Plus aucun témoin pour penser à eux.
J’attends la suite.
Bonne fin de journée.
Sylvie
Marie Christine dit
Bonjour Philippe,
Merci pour ces jolies photos bien reposantes, loin de la foule. C’est peut-être incongru de penser et dire cela mais ces lieux m’apaisent à moi aussi. Beaucoup de personnes n’aiment pas ces endroits. Je ne trouve pas choquant d’arpenter les allées d’un cimetière même si aucun de nos défunts n’y reposent.
Au Père Lachaise des célébrités côtoient des anonymes. De jolies tombes rivalisent avec des plus anciennes malmenées par les ans, les aléas climatiques, l’abandon.
Il y a un autre cimetière extraordinaire par sa beauté et son calme, celui du sud de Stockholm ou repose entre autre l’actrice Greta Garbo. Une très grande sérénité se dégage de cette prairie boisée.
Quant aux fleurs artificielles au plastique décoloré, quelle horreur! Je suis bien d’accord avec vous.
Bonne fin de journée et comme souvent je vous envoie de l’air iodé de la Charente Maritime ;).
Cordialement
MC
joubert dit
Une promenade surprenante et émouvante parmi toutes les personnalités qui vivent encore dans notre mémoire.
C’est un très beau billet
defilenpinceau dit
J’y suis allée il y a quelques années, longtemps, endroit insolite qui dégage calme et sérénité ; en ville, il n’y a plus que les cimetières pour offrir cela…
Belle journée
Michèle