Huit jours que je n’étais pas sorti quand je suis allé faire des courses hier. Pas plus d’une sortie par semaine pour moi. Le mot confinement a un sens. En cas de doute il y a le dictionnaire. Arrivé dans mon magasin bio je jette mon sourire aux orties. Regard assassin, et quand ça ne suffit pas, bras tendu devant moi à destination des importuns. Quel mot ne comprennent-ils pas dans “Un mètre minimum de distance” ? La greffe de cerveau dans certains cas ne serait pas un luxe. Une fois rentré je pose mes courses et n’y touche plus pendant deux ou trois jours. Je ne me suis jamais autant méfié d’une pomme ou d’une courgette. Ce n’est pas l’envie de leur faire la peau qui me manque ! Puis je me lave les mains. J’adore me faire mousser. Quand il ne reste plus que les os j’estime que ça suffit. Je peux aller me glisser dans un bain d’acide duquel je sors soulagé, invincible. Je regarde mes pommes, mes carottes et mes courgettes et je me lâche : “Non mais vous croyiez quoi ? que vous alliez m’avoir ? C’est moi, vous m’entendez, c’est moi qui ai le couteau économe !”
Je ne suis pas le seul à me laver scrupuleusement. On l’a bien vu ce week-end avec les promeneurs un peu partout dont les médias relayaient les images : l’épidémie, beaucoup s’en lavent les mains. Sur les plateaux télé, des médecins consternés réfrénaient mal l’envie de leur passer un savon. Peine perdue, la flâneur flâne, le coureur court. Chacun applaudira ce soir à sa fenêtre. N’y verra pas de contradiction.
Bertille dit
Ah … enfin un peu d’humour dans ce confinement ! Des mots, rien que des mots et tout prend sens. Pas de violence, juste un constat : c’est vrai que certains sont parfaitement hermétiques à l’autorité… C’est bien les mêmes qui effectivement applaudiront ce soir. Moins je sors, plus ils m’inquiètent.
Tes billets me font un bien fou, je me suis surprise à sourire. Et pourtant …
Merci beaucoup Philippe, à bientôt.
Bertille
Philippe Joubert Lussac dit
Si je t’ai fait sourire, tant mieux. C’était un peu l’objectif de mon texte. De l’humour pour parler sérieusement.
Vinciane dit
Tu me fais sourire, tu trouves toujours les mots qui apaisent les souffrances printanières.
Bonne fin de journée Philippe
Vinciane
Philippe Joubert Lussac dit
Je dois avoir un côté thérapeute. ;-)
Jean-Paul dit
Je ne parviens pas à le ressentir à ce point. En Vendée où il n’y a pas grand-monde, je ressens plus la frustration de ne pas pouvoir profiter de la plage pour ses promenades que l’agacement à raison d’une trop grande proximité de malotrus… Cela dit, il est vrai que l’incivilité agace, et le dire en France est presque un euphémisme. J’ai été louveteau, combien l’ont été ? L’éducation toute simple se perd, mais soyez rassuré il y a de fortes chances pour que vos lecteurs soient des gens civilisés au bon sens du terme. A bientôt donc !
Philippe Joubert Lussac dit
Mais la Vendée, c’est un peu le confinement avant le confinement ! ;-))
PROUST dit
Jamais oignons ail et échalottes ne m avaient semblé si beaux
Je courrais bien en chercher … mais non je pourrai revenir voir les vôtres …
Merci de vos billets, courage bien des choses auront un gout sublimé lorsque nous serons libérés
Philippe Joubert Lussac dit
Et pourtant ils le sont, surtout les oignons rouges.
“…un gout sublimé lorsque nous serons libérés”, c’est juste et joliment dit.
Polly dit
Photos magnifiques, texte itou, colère (et agacements) légitimes.
Je crains que nos désespérances n’atteignent leur comble : si déjà en période aigus “ils” n’arrivent ni à se contrôler ni à se discipliner, je ne vous raconte pas la ruée quand on va ouvrir les grilles !!! Les petits oiseaux, les canards qui traversent la rue, les coccinelles et les escargots auront intérêt à planquer leurs miches !! (oui, des miches de limaces et d’escargots ! c’est nouveau, ça vient d’ sortir !! ;-)))
Bises cher Philippe. “Avant”, c’était vos photos qui faisaient du bien à mon coeur. Maintenant ce sont vos textes ! ;-)
(mais j’aime toujours autant vos photos hein, n’allez pas croire !)
Philippe Joubert Lussac dit
Des limaces avec des miches, j’ai l’image en tête. ;-)) La limace Pamela Anderson !
Cela me fait penser à ça : deux escargots vont à la plage. En chemin ils croisent une limace : “vite, demi-tour, c’est une plage naturiste !”.
Il est tard, il faut me pardonner.
Sophie dit
Bonsoir Philippe,
Je suis sortie aujourd’hui et je suis rentrée sans ce que j’étais sortie acheter ! J’ai choisi d’y aller à l’heure du déjeuner : un mieux à signaler ! Il y a moins de monde mais dehors des flâneurs bien sûr ! J’ai également jeté une boîte de médicaments heureusement pas le graal du moment car évidemment j’ai le mauvais goût d’être soignée au Plaquenil depuis 10 ans !
Mes courses m’attendent au milieu de la pièce et me narguent mais je serai forte ! Je les ignore !
Mes vêtements sont tous bien enfermés dans mon lave linge !
Tu as raison : j’ai aussi pris l’habitude d’avoir un visage fermé quand je sors !
Merci pour tes articles qui sont de vrais bijoux !
Bonne soirée
Je t’embrasse
Attention de très loin !
Sophie
Philippe Joubert Lussac dit
Quand on aime que tout soit bien rangé, ignorer les courses par terre est un petit défi. Heureusement, l’heure de l’enfermement dans les placards finit par sonner et c’est alors une douce vengeance… ;-)
Hélène dit
Excellente analyse !
J’en ai vu et entendu plein en radiologie hier que de cerveaux à prospecter…même pas soignables pour certains …Tristesse !
Philippe Joubert Lussac dit
Hélène, comme vous y allez ! Une analyse est un bien grand mot.
elise malemont dit
vos photos sont magnifiques comme toujours … hummmm …poivron et courgettes dans un magasin bio en cette période, comment ont-ils pu encore passer les frontières on se le demande …
Ne vous êtes vous pas confectionné un joli masque, vous qui faites des miracles en couture ?
Philippe Joubert Lussac dit
Là j’étais chez Naturalia, le plus proche. Il y a souvent des produits qui viennent d’Espagne ou d’Italie. J’avoue que je ne me suis pas occupé des étiquettes cette fois-ci, trop à aller vite et à avoir des yeux derrière la tête.J’imagine que les produits proposés vont être recentrés par force sur du local, ce qui sera très bien !
Je n’ai pas encore fait mon masque. J’attends l’inspiration. Brodé ou à paillettes, je ne sais pas encore. ;-)
MAG dit
J’agis de même, mes achats hebdomadaires attentent 2 ou 3 jours avant d’etre rangés. Sourire à tout va me manque, mais la période n’est pas aux échanges plein d’amabilité.
Similitude d’action mais pas de langage. Le vôtre est agréable et fluide, vos photos regorgent de sensations. Ah ! ces pommes, elles invitent, non à être mangées, mais à être admirées.
Philippe Joubert Lussac dit
Sourire me manque aussi, et pourtant je ne ménage pas mes efforts pour avoir l’air content dans le miroir.
Triskell dit
Encore un article aux petits oignons…
Lorsque l’automobiliste devient piéton, il ne gagne pas en sagesse ni en intelligence : le respect des distances de sécurité, pas pour lui !
Quant au confinement, il suffit de guetter la météo.
Froid et pluie : tout le monde aux abris.
Soleil : tout le monde dehors ! On a forcément un chien à promener (Allez viens Médor ! Mais j’ai pas envie… Si si on ressort, allez, fais plaisir à papa) un pot de baies de Siltimur qu’on a “oublié” d’acheter une heure plus tôt (essentielle, la baie de Siltimur en cuisine ) une envie soudaine d’étrenner le jogging qui roupille depuis 10 ans dans le fond du placard. Actes irréfléchis, mais humains.
Tu sais comme moi que vivre en appartement en pleine ville n’est pas, dans ce contexte du moins, très facile. J’ai la chance de partager le mien avec une chatte très casanière et peu exigeante qui semble ravie de m’avoir pratiquement 24h/24 auprès d’elle, mais que dire de mes voisins, dont la plupart sont parents de créatures aussi turbulentes que des lionceaux en cage ? Une sortie autorisée par jour me semble être dans ce cas une question de survie.
Ne sois pas trop dur avec tes pommes, elles sont victimes, elles aussi.
Philippe Joubert Lussac dit
Je ne suis pas trop dur, j’ai commandé un fouet mais je ne l’ai pas encore reçu. ;-)
Les images m’ont choqué parce que (mais je peux me tromper) je n’ai pas eu l’impression que les moins disciplinés étaient les moins bien lotis. J’ai notamment vu des images d’un endroit du 7e que je connais bien où les appartements de petite surface n’existent pour ainsi dire pas. Et pourtant, plein de gens dehors…
Aida dit
Juste un commentaire : magnifique !
Philippe Joubert Lussac dit
Merci !
Marie July dit
Entre envie de croquer dans les rondes pommes et laisser éclater mon rire à tes expressions, tes … mimiques mais surtout, me retenir de ” rouspéter ” comme on disait alors contre ces sans cervelle, bah, je me relis une troisième fois ton article emporté m’emportant une fois de plus dans une délicieuse réflexion, vais-je croquer dans les pommes rondes ou bien éclater de rire ou bien encore . . .
Merci Philippe, ton joyau joyeux t’honore une fois encore !
Belle Journée de 8 Avril, c’est la fête de ma jolie Julie aujourd’hui, youpiiiii,,,, m’en vais aller lui claironner mon Joyeuse Fête mon Amour d’Enfant ( ben quoi, à 41 ans, elle est toujours et le sera long long time – nous le souhaitons elle et moi !! – ) dans son London préféré !
Philippe Joubert Lussac dit
Votre fille doit vous manquer Marie. nous avons beaucoup de facilités pour nous voir ou nous entendre de loin (visioconférence, mail, téléphone…) mais rien ne vaut la chaleur d’une présence en vrai. Les retrouvailles, plus tard, n’en auront que plus de prix : manière positive de voir les choses…
BY dit
Oh ! Philippe! que je me suis régalée en lisant ton texte (3 fois pour me faire sourire !) : pas une ligne sans un humour auquel je suis tellement sensible : que c’est bon de te lire.
Hier aussi c’était ma sortie hebdomadaire à l’heure du déjeuner pour rencontrer le moins de monde possible . J’ai filé à Picard en voiture, masquée, gantée : un vraie expédition , croisée 3 personnes dans le magasin mais sans masque ou écharpe même la caissière !!!!!ce n’est pas difficile de se mettre une écharpe bien serrée sur le nez et la bouche!!! et j’avais un gros sac de cadeaux à poser à mon petit fils : un sms à ma fille: “j’arrive , je pars de Picard attends moi derrière la porte!”; je me gare devant la porte et pose le sac , me retourne pour voir s’il est pris : non ce n’est pas une séquence de film policier , simplement une vie que nous n’aurions pu imaginer il y simplement 6 mois !Depuis la mi mars : nos 5 anniversaires et être si proches : je n’ai pu résister au plus jeune et au dernier.
Ces oignons , ces pommes se sont faits beaux pour te plaire , j’espère que tu leur renverra le compliment après les avoir dégustés
Philippe Joubert Lussac dit
Ton enthousiasme me fait chaud au cœur !
Ce n’est pas une séquence de film, mais nous sommes encore tout effarés de ce qui nous arrive, comme si c’était un mauvais rêve. Tous nos repères volent en éclats, nous devons nous adapter à une réalité nouvelle difficile qui nous semble encore étrangement surréaliste. Heureusement que nous pouvons toujours parler à des oignons ou à des pommes ! ;-)
joubert michel dit
Humour,finesse et bon sens se retrouvent dans se nouveau billet qui nous distrait beaucoup durant notre confinement .
Nous attendons toujours le prochain en sachant qu’il sera aussi et surement fait de cette chaleur,de cette joie et du sérieux qui vous caractérise.
Philippe Joubert Lussac dit
En ce moment l’envie d’écrire ne me manque pas en tout cas.
Monique G. dit
Je suis allée faire les courses mercredi, je sors le moins possible, malheureusement beaucoup de personnes sans aucune protection et qui se permettent de faire la réflexion que nous étions deux pour un seul caddy mais au moins nous nous avions un masque, des gants et du désinfectant pour les mains même si elles sont gantées
De retour à la maison vite le linge dans la machine, on se lave les cheveux et on attends pour déballer les courses, on lave tout ce que l’on peut et on jette tous les emballages
Bel après-midi et courage pour ce confinement
Monique
Philippe Joubert Lussac dit
Monique, il faut avouer que les consignes sont de n’être à deux pour les courses qu’en cas de nécessité impérieuse, par exemple un parent célibataire ne pouvant laisser son enfant seul à la maison. Mais on sent que cette maladie vous n’en voulez vraiment pas. Comme moi !
Sara Bagés dit
Pas de coureurs chez nous, ni promeneurs, pas d’aller hors de ville, tous chez soi, maintenant on parle de sortir les enfants avec les parents, mais pourquoi? pour aller acheter en pharmacie?…Je crois qu’il faut rester encore confinés, surtout les enfants, quel problème qu’ils touchent tout ou qu’ils s’échappent de la main de son parent… Cependant, ici il y a aussi toujours des inconscients, qui s’approchent, qui touchent, toujours quelqu’un, mais on ne doit me mal interpréter, je croi, qu’il s’agit, la plupart, d’un genre de gens…
Mais il est longue, il va être longue, il semble longue, et, je ne sais pas, cela, ça peut continuer très longue temps?
Je suis chaque fois plus angoisseuse…
Où sont les jours d’avril, de mai, de juin, les jours d’été, la plage, les corps au soleil et les promenades sous la lune, qui nous les ont volés?
Gros bisous mon Philippe, sois sage, et, surtout, toujours créatif…