Sur son compte Instagram une illustratrice talentueuse mais jamais avare de conseils suggérait avant hier que nous notions dans un journal ce qui nous rendait heureux, pour se focaliser sur le plaisir, mieux éloigner les choses désagréables et reproduire plus souvent ces bons moments.
Un exemple parmi tant d’autres des injonctions quasi permanentes au bonheur qui nous sont faites et qui déguisent mal un déni de réalité sous des couches épaisses d’égoïsme.
Nous avons tous le droit de ne pas aller bien, dans cette période comme dans une autre, et les choses désagréables de la vie sont aussi la vie. Si je devais conseiller l’écriture d’un journal ce serait pour dire aussi et surtout ses inquiétudes et ses soucis, pour les regarder en face, les poser. Chercher à les oublier en multipliant les plaisirs me fait penser au comportement d’un enfant qui en grandissant refuserait d’entrer dans l’âge adulte, refuserait de voir que la vie est autant joie que douleur, autant gain que perte, autant plaisir que déplaisir. On ne peut pas se bercer en permanence d’illusions frivoles, car cette injonction au bonheur, suggérée et auto-suggérée, est bien un leurre. Je ne suis pas convaincu que l’attention incessante à soi et à son quotidien domestique soit la voie royale qui mène à la félicité. L’expérience montre qu’être tourné vers l’Autre est un gage plus sûr de satisfaction et de plénitude. Chercher sans cesse à évacuer le désagréable de la vie revient en outre à vouloir la lumière sans l’ombre, voie sans issue.
Sur Instagram ou ailleurs ces tenants de la pensée positive, ces chantres de l’optimisme en plastique mou, ces apôtres du bonheur en carton-pâte se portent bien. Comment leur en vouloir ? Leur manque de profondeur est sans doute pavé de bonnes intentions. Nous avons d’ailleurs depuis longtemps rallié le mouvement avec nos photos et nos phrases anodines. Nous avons tous besoin de béquilles. Restons légers, apprécions la beauté, le rire et l’humour (je serais très mal placé pour dire le contraire) mais ne nous cachons pas derrière. Le courage n’est pas dans la fuite. Il nous faut ouvrir les yeux sur la crise écologique dramatique dont personne ne pourra dire qu’il n’était pas au courant. Prenons ce temps qui nous est donné en confinement pour vraiment réfléchir au monde dans lequel nous voudrions être “relâchés”, tandis que la qualité de l’air s’améliore, que la faune et la flore ont enfin un peu de répit.
Allons-nous tout reprendre comme avant, à se mentir sur la nocivité de nos modes de vie ? à se dédouaner de tout véritable engagement ? à se convaincre que le sauvetage de la planète s’arrête au tri de sa poubelle ? à croire lâchement que nous n’avons à renoncer à rien ?
Au vu des valeurs et des normes qui nous guident encore au milieu du chaos je me dis combien mal nous nous hissons à la hauteur de notre intelligence.
Sophie dit
Pour ma part je suis incapable d’envisager le temps d’après .
J’ai l’impression curieuse d’être « en deuil «
Je ne peux apprécier les petits bonheurs du jour et je ne cherche pas a les provoquer même si j’ai pleinement conscience qu’à mon niveau je suis relativement « protégée « ne sortant pas ou très peu.
Mais il est impossible de ne pas voir où nous en sommes arrivés ! Quelle leçon !
Je te souhaite une journée la mieux possible faute de ne pouvoir dire car je trouve cela indécent de raconter ses journées calmes et « à l’abri «
Je t’embrasse virtuellement bien sûr .
Vinciane dit
Bonjour Philippe,
Tout est dit ! Je me le demande également.
Je te souhaite des jours meilleurs.
Vinciane
Triskell dit
Ce billet, je vais le lire et le relire, et le diffuser, si tu le permets, à ceux qui m’entourent encore par la pensée à défaut de leurs bras, car il est d’une lucidité et d’une justesse absolues. A force de positiver sur du vent, derrière nos fleurettes et nos chouquettes, nous pratiquons un peu stupidement la politique de ce grand oiseau de la savane, gagne-pain des plumassiers, réflexe primitif d’aveuglement qui ne peut perdurer tant la situation devient, de jour en jour, un peu plus dramatique. Merci cher Philippe de nous remettre dans le droit chemin de la réflexion et de la sagesse. Nous vivons dans une société où nous nous approprions tous les droits, et bien peu de devoirs, éternels enfants dont l’existence de contes de fées nierait toute présence d’ogres ou de sorciers malfaisants.
Le monde qu’au fil des siècles nous avons façonné pour notre pseudo bien-être se venge. Beaucoup l’avaient prédit, peu les ont écoutés.
Je te souhaite une belle journée, mais tu sais, tes petits chats en aquarelle, tes somptueux clichés, tes billets pleins d’esprit, continue de nous les proposer, loin de masquer la réalité, ils restent si précieux.
Dominique
Bertille dit
Frappant… hurlant de vérité ! Tes mots simples mais vrais frappent juste là où il faut. Bien sûr que nous ne sortirons pas indemnes de ce chaos mondial. Bien sûr qu’il nous faudra réviser notre copie mais combien le feront ils ?
Trembler pour les autres nous permet de nous oublier mais pour combien de temps ? Quand certains se jettent dans la nourriture, d’autres irresponsables sortent au prétexte “qu’ils n’en peuvent plus…” Ces mêmes personnes n’ont jamais pris soin d’elles, non plus des autres, n’ont jamais fait de sport mais se découvrent un besoin impérieux d’air libre !
Je veux garder des pensées positives pour tous ceux qui se battent pour que nous retrouvions notre liberté… bientôt.
En ce moment je tremble pour un ami américain, musicien qui a du quitter la France après un dernier concert le 13 mars dernier, interrompant sa tournée européenne. Il n’a répondu qu’à mon premier mail pour me signaler son retour au Texas.
Depuis… plus rien ! Les news des states ne sont pas bonnes. Alors, oui, je le dis “j’ai peur…” Et j’ai le droit…
Sur ce, je retourne finaliser mon prochain post. Merci Philippe… j’aime beaucoup les fleurs bleues.
Bertille
Anne-Marie dit
Bravo Philippe pour ce texte d’une parfaite lucidité ! Moi, cette situation me stresse au plus haut point. C’est la paranoïa lorsque je dois mettre le nez dehors. Et le retour à la normale dans un monde meilleur, comme on nous le rabâche à longueur de média, je n’y crois pas. Lorsque le danger s’éloigne, les bonnes résolutions aussi. Mais ça ne m’empêche pas de m’émerveiller devant tes nouvelles créations et de regarder des vidéos de chats sur Instagram ! Je souhaite que tu reprennes ta place dans ma future nouvelle librairie le plus vite possible. Puisse l’espérance d’un nouveau départ nous porter.
Jean-Paul dit
D’accord sur tout. A relire…
Marie Nepote dit
Je suis agréablement surprise de lire un tel engagement dont je ne peux que partager les valeurs !
J’espère que tout va bien pour toi.
Amicalement,
Marie
Monique G. dit
Tout à fait d’accord avec toi et pour ma part je suis pessimiste quant à l’avenir, je ne crois plus dans cette politique qui fait que nous en sommes arrivés là.
Bel après-midi
Monique
BY dit
Tout est dit ! Que tout change après?….je n’y crois pas . L’esprit chez beaucoup efface très vite ce qui est douloureux (c’est quelque fois nécessaire) , ce qui pourrait déranger le quotidien . Et ce mot “plaisir” sur toutes les lèvres : je suis toujours choquée quand les sportifs de haut niveau sont interrogés avant une compétition internationale : au lieu de dire : je vais faire le maximum pour bien représenter mon pays , c’est maintenant courant “je vais me faire plaisir!!!!!”
La méditation , le yoga etc…des activités pour SON bien être.
On ne peut être bien quand on pense souvent aux malades , aux personnes âgées et aux soignants qui ne comptent pas leurs heures. Admirative , je suis!
Ludivine dit
Bonjour,
Je ne peux qu’apprécier et approuver chacun des mots que vous avez écrit, ils sont l’exact ressenti de chacune de mes pensées.
Merci à vous de les traduire si bien, avac tant de justesse et de beauté aussi.
Belle fin de journée et meilleures pensées,
Ludivine
Birgit dit
Cher Philippe, des années que je n’ai pas commenté ici, maintenant on se croise plutôt sur IG. Je me souviens d’un tas de billets de toi ici, parfois très drôle, parfois plus sérieux. Toujours juste. Je ne publie plus sur IG depuis un moment et les posts des confinements coeuraveclesmains m’insupportent. C’est ou très niais ou moralisateur.
Mais tes mots posés ici sont beau et traduisent très bien mon état d’esprit.
Prends soin de toi 😊
Birgit
laurence dit
Merci pour ce texte si beau, qui nous invite à réfléchir sur le pendant et le après, sans être anxiogène ni moralisateur.
Ce moment suspendu peut être l’occasion d’une introspection, d’une réflexion su nos sensations, notre ressenti.
Malheureusement je ne crois plus aux lendemains qui chantent et bonnes résolutions de fin de crise.. la lecture de la presse écrite de tout bord me prouve que malgré ce que nous vivons certains continuent à faire preuve d’incivisme, à s’enrichir frauduleusement, à mentir…c’est à vomir mais certains humains sont comme ça et le resteront peu importe les circonstances.
Merci encore pour ces jolis mots.
Prenez soin de vous
Laurence
Fiorenza dit
Vivre chaque jour au gré des humeurs contradictoires était notre lot commun !
Avant le cataclysme, nous le faisions en roue libre mais maintenant…
plus rien ne coule de source : la fontaine de l’INSOUCIANCE s’est tarie !
Rejaillira-t-elle un jour ? “Qui vivra verra” comme dit la chanson de mon enfance !
J’ai fredonné cette dernière à mon père jusqu’à son dernier soupir,
aujourd’hui je ne pourrais même plus l’approcher ni lui sourire ,
c’est ce que nous appelons un crève-coeur !!!
Hélène dit
Oui , tout ceci est réalité ; ces gens courant , abîmant leurs poumons pas habitués , sortant leur chien 10 pour “prendre” l’air etc…
la vie ce n’est pas cela , c’est la simplicité , curiosité et douceur du moment partagé ou …non , il y a des hauts , des bas , voilà ! Carpe Diem .
Doublement confinée avec des ” béquilles ” je ne me plains pas , douceurs de voir les mésanges faisant déjà leur nid , les fleurs me font des signes par la fenêtre de ma chambre et moi de même , simplicité , curiosité ; le temps passe et ancienne ” blouse blanche ” , je sais que la patience peut être bienfaisante , je crois en la vie ! interrogeons plus souvent sur les autres que sur notre petite personne et ce qui nous arrive a sûrement , hélas , raison d’être ; nos frustrations doivent faire amplement réfléchir sur ce que nous sommes..à méditer …
Polly dit
Comme Pierre-Jean je dirais “D’accord sur tout. A relire.”
J’ajouterais même : à re re relire !
On le savait déjà : votre légèreté, lorsqu’elle nous caresse de sa plume, n’est pas un ballon dans l’air. Elle a ses raisons (que la gravité n’ignore pas).
Aujourd’hui, on pourrait dire à l’inverse que votre gravité à ses raisons (que la légèreté n’ignore pas) et vos réflexions pourraient (devraient !) ouvrir et nourrir tant de débats !
Mais je crains (comme Laurence, comme By, comme Monique et comme Triskell dont j’aime beaucoup le très beau message) que nous n’allions pas vers un monde de partage. Pire (oui, pire) je ne suis pas du tout persuadée que ceux que nous aidons ne feraient pas comme les autres s’ils en avaient les moyens ! “Nous voulons voir Gulliver / En 3D sur grand écran /Une ville en plein désert / Mille joyaux scintillants / Tout comme vous / Tout comme vous / Just like you” Gilbert Laffaille https://www.youtube.com/watch?v=G2aLccGZ0w8&list=PL98GWk_uB3bc8ToZhnfN4BHYLTMchpN9U&index=38&t=0s )
Quant à la prise de conscience (généralisée je veux dire, sinon elle ne sert à rien ou si peu) qu’il va FALLOIR changer et, comme vous le dites, Philippe, RENONCER, je crains que l’abrutissement d’un côté et la course au(x) profit(s) de l’autre, n’y soient guère propices !!
Dans un souci de “partage” sans doute, une de mes amies m’a envoyé (par sms) le texte de la lettre qu’Annie Ernaux a envoyée au Président (https://www.lesinrocks.com/2020/03/30/actualite/medias-actualite/vous-etes-restes-sourd-aux-cris-dalarme-la-lettre-puissante-dannie-ernaux-a-emmanuel-macron/)
Et (par sms) (c’est long un sms quand on tape chaque lettre ;-)) je lui ai répondu ceci :
D’accord avec elle en tous points, j’aimerais pourtant être certaine que lorsqu’elle écrit :
« Nous sommes nombreux à ne plus vouloir d’un monde dont l’épidémie révèle les inégalités criantes, Nombreux à vouloir au contraire un monde où les besoins essentiels, se nourrir sainement, se soigner, se loger, s’éduquer, se cultiver, soient garantis à tous, un monde dont les solidarités actuelles montrent, justement, la possibilité. », être certaine que ceux qui pensent ça, qui veulent ça, sont prêts à s’en donner les moyens.
Car ce ne sont pas « ceux qui ont » qui rendront les choses possibles, de prime abord. Ils finiront (peut être) par suivre, mais contraints et forcés par la vague. Alors nous, les autres, qui voulons tellement ce changement enfin égalitaire, est ce que nous sommes prêts à le prendre sur notre confort, sur nos revenus ? Parce qu’il ne s’agit de rien d’autre que d’un partage des richesses, d’une redistribution.
Et ce ne sont pas les plus riches qui donneront l’exemple.
Alors nous, de quoi sommes nous vraiment capables ? Jusqu’où sommes nous prêts à donner ce qu’on a ??
Que croyez-vous qu’il arriva ?
L’amie ne répondit pas !
Ce qui en dit long.
Sur l’état des échanges, sur l’état de la pensée, sur “je partage d’un clic mais discuter c’est fatigant. !”
Notre pollution vient de plus en plus de nos ébats numériques (nos débats, même numériques ne polluent guère, il ne sont pas assez nombreux). Ils facebookent, ils instagrament, ils twittent et retwittent, ils whatsappent à tout va… et tout ça pour rien !! Du vent ! Des moulinets avec les bras qui ne font même pas d’eux des éoliennes. La communication n’a jamais été si facile, si foisonnante, si surabondante et on n’échange… que des petits coeurs avec les doigts, comme l’écrit Birgit.
Nan, je ne suis pas très optimiste.
Bien sûr, il y aura toujours des coeurs purs (comme chantait Caussimon), des artistes de l’âme, des beaux, des justes… mais ils ne sont pas assez nombreux pour faire un monde.
Il y a des jours où je me demande si je suis plutôt énervée ou plutôt désespérée.
Les deux malheureusement.
Vas-y Emile, remets-moi une tournée !!
NancyRose dit
Il est vrai que notre Terre est malade à cause des humains !
Si chacun pouvait en prendre conscience !
Ceci dit, je pratique le “Positif” au quotidien….
Un oiseau chante, voilà 10 secondes de bonheur
Un papillon butine, vous me perdez pour 1 minute… :-)
J’aime regarder les nuages également …. les fleurs, les paysages, les arbres etc tec
Redécouvrir certains objets de la maison (au fond d’un meuble et oublié ou juste celui devant lequel nous passons sans plus le voir ….)
Courage à tous
Dams Lydie dit
bonsoir Nancyrose je suis d’accord avec vous, ce sont des cadeaux à notre disposition et entièrement gratuits .Il suffit juste d’ouvrir les yeux . MERCI la nature , le printemps .
joubert michel dit
Affronter la vraie vie c”est aussi ça je bonheur surtout quand on avance dans l’âge .
Les questions se posent. Qu’avons nous fait de cette vie et qu’allons nous faire de celle qui nous reste ?
Soyons seulement positif et courageux pour essayer de mieux faire.
Ton billet nous y encourage
Dams Lydie dit
COUCOU, apprécions cette journée ensoleillée , chez nous, dans notre jardin ou terrasse avec ceux que nous aimons. Je vous souhaite un beau dimanche à tous et toutes. https://www.facebook.com/pages/category/Author/Un-souffle-vers-l%C3%A9ternit%C3%A9-Patricia-Darr%C3%A9-Page-Officielle-171487372951441/
HERMINE dit
Bonjour Phliippe
Avez eu connaissance de la lettre envoyée à Emmanuel Macron par Annie Ernaux ?
Comme je vous l’avez écrit dans mon dernier message, elle aussi, dénonce que nous ne sommes pas en guerre!!!
bonne journée au plaisir de vous lire avec votre blog enchanteur
Hermine
Sara Bagés dit
Des blagues courent chez nous partout, notre caractère c’est propice, c’est possible, mais la France, je vois, n’est moins latine et même mediterranée —Cela aide, bien sûr, et il y en a très bonnes. mais trop c’est trop et parfois elles sont bien simples. En ce moment je ne sais pas si me reste beaucoup d’humeur pour m’en rire du ce coronavirus…les catalans ne sommes non plus d’un humour très naïf.
Cependant, si l’on doit se fixer sur qu’il y a de bon c’est, comment tu dises, la leçon écologique qu’on peut apprendre. l’homme c’est le plus grand déprédateur du planète, et cela doit changer…