Son altesse Grand-ducale la princesse Priscilla von Lothen-Kunitz est belle, gracieuse, docile et douce, en un mot parfaite. Mais Fritzing, le bibliothécaire de la Cour, a instillé en elle un goût de la liberté et de la simplicité qui a pris au fil des années une importance grandissante. Elle doit supporter à chaque pas la présence de sa dame d’honneur et l’hypocrisie des courtisans, son père ne l’aime guère, et tout dans le palais lui semble désormais d’une insupportable vulgarité. Quand un prince se présente pour demander sa main à son père, c’en est trop. Elle prend secrètement la fuite avec Frizting et une servante, traversant l’Europe pour vivre son rêve de s’installer dans un village anglais et de vivre incognito dans une modeste chaumière. Mais l’installation ne va pas aller de soi, pas plus que la cohabitation de Priscilla et de Fritzing (qui se font passer pour oncle et nièce sous de fausses identités) avec les villageois. Priscilla a une interprétation toute personnelle de la simplicité et une relation à l’argent pour le moins détachée des réalités. Quant à Fritzing, s’il a davantage les pieds sur terre, il se dévoue à la princesse avec un zèle qui ne contribue guère au succès de leur entreprise. Le désir de simplicité va rapidement se transformer en expérience de la pauvreté et induire de grands bouleversements dans la vie du village.
La première partie du roman est vraiment drôle. L’impréparation des héros, la rudesse de Fritzing et l’incapacité de la princesse à se mettre à la portée de ses interlocuteurs donnent lieu à de joyeux quiproquos. La seconde partie est moins légère. Les bonnes intentions de Priscilla pour faire le bien autour d’elle ont contre toute attente des conséquences graves, pour les autres comme pour elle-même. Il lui faudra clore ce parcours initiatique par une prise de conscience, suivie heureusement d’un retournement de situation digne d’un conte de fée.
Priscilla ne va pas sans rappeler Caroline Dester, l’une des héroïnes d’Avril enchanté. L’une et l’autre étant vraisemblablement très proches d’Elizabeth von Arnim elle-même, ayant à la fois une haute conscience de soi, le respect des convenances, mais éprises de liberté, de solitude et de nature. Comme dans Avril enchanté on retrouve également la difficulté à se confronter à d’autres milieux sociaux, ce qui serait un peu comme tenter de communiquer avec des Pygmées à l’aide de signaux de fumée. Elizabeth von Arnim en retire ses effets comiques mais l’on sent (à lire aussi ses récits autobiographiques) qu’il y a là une problématique assez personnelle : l’autre perçu comme une chose volontiers incompréhensible et envahissante qu’il faut tenir à distance pour sa propre paix intérieure. Qui peut aussi se traduire par cette question simple (la réponse l’est moins) : comment faire cohabiter le moi social avec le désir d’être soi-même ?
La Princesse Priscilla s’est échappée
Elizabeth von Arnim
Éditions Bartillat
2022
352 pages
Vinciane dit
Bonjour Philippe, intéressant comme lecture, merci pour ton retour et ce billet.
J’espère que tu vas bien.
Vinciane
Philippe Joubert Lussac dit
Merci Vinciane, je vais bien. Je suis de retour seulement un vingtaine de jours après mon billet précédent… ;-)
Françoise de Bavièrre dit
Chouette de te relire, bien cher Philippe.
Le commentaire de ce livre donne vraiment envie de le lire. Merci pour cette découverte!
Françoise
Philippe Joubert Lussac dit
C’est une lecture idéale pour débuter l’été.
Hélène dit
Vous voilà de retour !
Merci pour cette idée de lecture ; Comment allez vous après ce long silence ?
Philippe Joubert Lussac dit
Hélène, la longueur de mon silence est relative, je publie régulièrement, même si j’espace davantage mes apparitions. ;-)
Triskell dit
Si le titre ( est-ce la traduction littérale ?) fait penser à la collection Harlequin, la photo de couverture est superbe, et le résumé que tu fais de l’intrigue donne très envie. Ce serait d’ailleurs une excellente occasion pour moi de lire – enfin- Elizabeth Von Arnim.
Tes lectures sortent toujours des sentiers battus : ni best sellers, ni auteurs à la mode, ni prix en vogue. Cela fait partie du charme incontesté du blog Gris-Bleu !
Philippe Joubert Lussac dit
Le titre original est : Princess Priscilla’s fortnight. Je laisse à ton appréciation la pertinence de la traduction. ;-)
En français le titre inciterait en effet plutôt à fuir, c’est probablement ce que j’aurais fait si je ne connaissais pas déjà Elizabeth von Arnim.
Gine dit
Je ne sais rien d’Elizabeth von Arnim, mais ta critique m’intrigue…Je vais aller aux renseignements! Merci!
Philippe Joubert Lussac dit
Tu trouveras facilement des informations sur cette romancière. Elizabeth et son jardin allemand est son ouvrage le plus connu, je ne peux que conseiller de ne pas passer à côté.
marie christine dit
bonjour Philippe
j’ai déjà lu “le jardin allemand” et “avril enchanté”; j’ai adoré!
et je vais de ce pas commander “la princesse Priscilla”
merci pour l’information;
j’espère que vous allez bien
bonne fin de journée
mariechristine
Philippe Joubert Lussac dit
Marie-Christine, vous pouvez le commander les yeux fermés, vous ne le regretterez pas j’en suis certain.
marie agapanthe dit
Moi qui suis une inconditionnelle d’Elizabeth Von Arnim depuis toujours et qui me targue d’avoir presque tout lu d’elle ( en v.o. principalement d’ailleurs et l’idée m’a même titillée à un moment d’en faire un mémoire de recherche ) , voilà que je ne connais pas cet écrit ; Damned ! Il me le faut à tout prix ! De la crititque que tu en fais, je retrouve les thèmes chers à EVA et que l’on retrouve tout au long de son oeuvre, à commencer par son premier livre Elizabeth et son jardin allemand, en passant par Les aventures d’Elizabeth à Rügen, En caravane, Avril enchanté, , Love, The pastor’s wife…… Je me vais de ce pas le chercher !
Bonne journée
Marie *