Liane de Pougy, la célèbre grande horizontale, a suscité l’engouement d’une star. Passant de bourgeoise de province mal mariée à cocotte richissime, elle épousera un prince désargenté avant de devenir, à la fin de sa vie, sœur Anne-Marie de la Pénitence. Réédité chez Bartillat, Dix ans de fête rassemble des textes autobiographiques parus dans la presse entre 1893 et 1904 où Liane de Pougy raconte sa vie de demi-mondaine.
On est frappé en lisant Dix ans de fête par sa qualité d’écriture et par son incroyable franchise. Il y a chez Liane de Pougy une sidérante liberté à la fois de propos et d’actes. Elle assume tout, raconte tout, avec une assurance, une désinvolture qui forcent l’admiration. Sous de faux noms apparaissent tour à tour ses prestigieux amants qu’elle sait à l’occasion beaucoup malmener. Sa très haute opinion d’elle-même l’autorisant à leur soutirer des sommes extravagantes, à une époque il est vrai où passer un moment avec une grande courtisane était pour les hommes de la haute société comme un trophée qu’il fallait remporter. L’écrivain Jean Lorrain est quant à lui présent dans l’ensemble du récit, seul homme dont elle ait toléré l’ascendant et l’aplomb. Peu surprenant quand on sait la forte personnalité qu’il avait. Il semblerait qu’ils aient connu tous deux une amitié véritable. Bisexuelle assumée Liane de Pougy évoque aussi ses amantes, dont la plus célèbre, l’écrivaine anglaise Natalie Clifford Barney avec laquelle elle entretint une liaison passionnée bien qu’assez courte.
Ces Dix ans de fête nous font pénétrer par le trou de la serrure dans les coulisses, souvent en forme d’alcôves, d’une époque. Mais l’autre intérêt de l’histoire est aussi la peinture faite en filigrane du désir. Un désir complexe, tissé de contradictions, de voltefaces, matière en mouvement ramifiée de nuances. À cet égard les récits de Liane de Pougy feraient frémir les féministes les plus sensibles d’aujourd’hui. Dix ans de fête préfigure aussi beaucoup notre modernité, tant par sa superficialité que par le narcissisme décomplexé qui s’y étale. Elle eut fait à n’en pas douter une brillante utilisatrice des réseaux sociaux. Les récits réunis ici sont d’ailleurs parus dans la presse, ils obéissaient à une stratégie “marketing”, à l’instar des marques d’aujourd’hui. À la différence près que Liane de Pougy ne se dupait pas elle-même :
“Comme on est bien, même étendue sur une chaise longue propice aux songeries, à laisser vaguer sa pensée […]. Ces heures-là, d’oisiveté divine, sont parmi les meilleures de la vie pour qui sait le néant de l’agitation humaine et le vide de tout ce qui nous occupe et nous passionne.”
La quatrième de couverture ne ment pas en qualifiant le texte de joyau littéraire. Avec une écriture élégante Liane de Pougy nous entraîne dans le Tout-Paris de la Belle Époque et les méandres d’une destinée personnelle peu commune. Que de panache dans tout cela !
Dix ans de fête
Liane de Pougy
Éditions Bartillat
2022
230 pages
Françoise Bayerl dit
Merci pour la présentation de ce livre. Moi, qui adore lire, je me réjouis dès à présent, de la commande que je vais passer le plus vite possible. Merci!
Philippe Joubert Lussac dit
Bonne lecture alors ! ;-)
Hélène dit
Moderne , libre , passionnée , que d’adjectifs pour qualifier cette femme hors du commun ,
Un magnifique portrait , dans une réalité bien personnelle , un destin hors normes d’une femme qui l’est tout autant !
Merci Philippe avec ce “presque” semblable iris aquarellé par mes soins !!!!
Philippe Joubert Lussac dit
C’est sûr que c’était une femme peu commune, il en faut du caractère que se moquer si absolument du regard d’autrui !
alouette dit
Un tel panégyrique donne évidemment une envie urgente de lire ce livre….Mais je ne dis pas”ouvrage” car quand même ! écrivait-elle réellement ou était-elle aidée per les éditeurs qui tenaient là de quoi exciter les curiosités mondaines fidélisées par des confidences un peu lestes ? Dans une époque plutôt corsetée dans ces moeurs apparentes.Mais je suis mauvaise langue ,aussi ,interpellée par ta belle critique, je vais moi aussi , enrichir un éditeur et un libraire.
Philippe Joubert Lussac dit
Liane de Pougy écrivait elle-même ses livres contrairement aux autres courtisanes qui ont elles aussi publié des mémoires.
COSIMANO Chantal dit
Merci infiniment pour cette critique qui me l’a fait noter dans ma whishlist. Ma période de l’histoire moderne préférée : je me réjouis à l’avance de cette lecture.
Philippe Joubert Lussac dit
J’espère qu’il vous plaira ! ;-)
Sissi94 dit
Livre à découvrir.
Belle présentation florale.
Sylvie
Philippe Joubert Lussac dit
Un iris printanier qui s’était cassé et que je n’avais pas pu m’empêcher de photographier.
carpediem dit
Merci pour ce portrait.
Quelle élégance…, une belle découverte.
Belle journée, Lili
Philippe Joubert Lussac dit
Merci Nathalie, bonne fin de week-end !
ANNIE G. DIJON dit
Bonjour Philippe,
Merci pour ce partage, une belle description de cette élégante
Belle et douce journée
Philippe Joubert Lussac dit
Merci Annie.
Lune dit
Merci pour votre texte élégant comme d’habitude.
Vous parlez d’un choix de textes parus dans la presse. J’ai lu il y a quelques années “Mes cahiers bleus”, journal tenu par cette courtisane, passionnant et édifiant notamment, plus âgée, son engagement religieux et ses implications.
Cordialement
Philippe Joubert Lussac dit
Mes cahiers bleus apparaissent sur une de mes photos mais je ne les ai pas encore lus. Ils ne manqueront certainement pas de me plaire également.
Triskell dit
Habile ambassadeur que tu es, de cette femme singulière et apparemment bourrée de multiples talents !
Et toujours cette mise en images superbe dont on ne se lasse pas.
Bonne journée Philippe.
Philippe Joubert Lussac dit
C’est bien simple, j’aurais pu être son agent ! ;-)
defilenpinceau dit
Vos mots toujours élégants, délicats, passionnés nous donnent envie de nous plonger nous aussi dans les lignes écrites par cette femme libre aux multiples facettes….
Belle soirée
Michèle
Philippe Joubert Lussac dit
Merci Michèle !
Bertille dit
Un billet bien élégant sur une belle élégante… Formidablement présentée, en plus ; je rajoute ce livre à ma wishlist.
Comme toujours, tes photos subliment tes mots… Merci Philippe et bon week-end.
Bertille
Philippe Joubert Lussac dit
Merci Bertille.
Ne jamais lésiner sur l’habillage du texte ! ;-))